23.4.15

Tu Trembles au théâtre 95

Nous reprenons avec un grand plaisir Tu Trembles au théâtre 95 à Cergy les 11, 12 et 13 mai 2015.




Le monde me paraît de moins en moins lisible, non seulement en raison du nombre pléthorique de messages qu'on reçoit à son propos en continue, mais aussi par le contenu même de ces messages qui cherchent moins à rendre compte d'une vérité qu'à atteindre de manière aigüe (en raison justement du nombre) ce que les gens de marketing appellent une cible. De ce fait, ils sont porteurs d'une intention propagandiste et ainsi orientent, colorent, biaisent, brouillent toute analyse et donnent une image volontairement tordue du réel. Y voir clair devient surhumain. Le théâtre heureusement peut encore nous y aider. La scène agit comme un prisme et révèle les couleurs cachées dans la lumière blanche et aveuglante des écrans. Car oui nous n'avons d'informations sur ce qui se passe sur terre hors nos propres voyages, hors nos propres rencontres, que virtuelles. Le théâtre, art du présent, permet ensemble de penser le présent. La salle est plongée dans le noir; une voix, un corps, des mouvements; ce sont "je" et "nous" qui s'animent le temps de la représentation sous l'éclairage contrasté de la scène laissant une grande part à l'ombre, à l'imaginaire de chacun, à la réflexion en commun donc; puis tout redevient noir. Mais différent, c’est-à-dire avec un désir accru d'échanger. En tout cas c'est le pari que j'essaie de relever avec la saga Perdus dans l'immensité dont Tu Trembles est la saison 1.

C'est aussi pourquoi j'avais été touché par le mail d'une spectatrice lors des représentations au théâtre de l'Opprimé et que j'ai relaté dans une page précédente : ici

20.4.15

Résidence au lycée Chennevière-Malézieux et CRTH

Depuis plusieurs années, j'anime un atelier d'écriture au Centre Recherche Théâtre Handicap où, suivant la philosophie de la maison, nous nous retrouvons valides et handicapés autour d'une même table. Le partage de nos expériences, de notre vision du monde, de nos singularités est d'une richesse inouïe. Et nous essayons ensemble d'y voir un peu plus clair dans la complexité de l'écriture dramatique.
J'ai tenu à ce que deux univers se rencontrent, celui des membres du CRTH, celui des lycéens de Chennevière-Malézieux. Nous avons choisi d'exposer des textes écrits de part et d'autres. Ci-dessous quelques exemples venant du CRTH...


Exposition au CRTH


Ça me prend, je suis angoissé ça me prend. Chercher, trouver, me reposer. Un article, je veux relire un article. Peu importe lequel. Enfin non c'est mon inconscient qui décide. Il est implacable, mon inconscient, il me fait des misères, il me traîne dans la routine. Tiens, c'est un article de Luc Ferry, célébrant les vertus de l'anglais comme langue d'enseignement, mais ça aurait pu être n'importe quel autre article, à un autre moment. Je sais et pourtant je subis. Pourquoi je n'arrive pas à me raisonner  ? Pourquoi ce besoin viscéral de relire l'article, ce texte anodin qui me brûle  ? Il y a le Canard Enchaîné. Moi ce sont les canards qui m'enchaînent. J'ai la haine. De moi, de ces obsessions qui fusent comme des rats et qui me bouffent la vie. Il faut que je relise mais pourquoi il faut  ? Ça fait 20 ans que je suis en psychothérapie et je n'ai toujours pas déconstruit ce il faut. J'aimerais vivre. Pas comme un animal. Pas à l'instinct fut-il surnommé inconscient. Je veux piétiner tous ces journaux. Je veux les piétiner, les écraser, les... Je n'arrive pas à les jeter. Je m'agrippe à eux, ils m'étranglent. Je soulève tous les autres journaux, les papiers, les livres, les bidules,  je veux retrouver l'article, cet infâme article, le lire goulûment, l'étreindre comme une femme. Et après j'aurai crevé l'angoisse. Mais est-ce de l'angoisse  ? Ne serait-ce pas plutôt de la futilité  ? Oui, ça doit être ça. De la futilité, moi, le plus inutile des hommes. Si j'avais un boulot... une activité ou un amour. A quoi ça me sert  ? Et la psychothérapie ça sert  ? Les journaux, la maladie, mes journaux sont les bandelettes d'un fou brûlé par la déraison et qui voudrait raisonner. Un taureau, je suis un taureau qui une fois qu'il a entrevu la muleta fonce dans son obsession jusqu'à ce que la fatigue le gagne. Mes obsessions sont des traquenards. Il faut que je trouve des ruses de guerre. Mais je ne suis pas rusé. Plutôt bourin que goupil. Un taureau sans le gabarit et sans la mort au bout, un taureau qui gâche sa vie. L'humanité, c'est encore loin  ? Non pas la fête ni le torchon, juste la qualité... Je revendique ma qualité d'être humain. Je suis obsessionnel... Et après  ? So what  ? Qu'est-ce que tu fais  ? Ah oui j'oubliais, je suis aussi schizophrène. Les journaux sont le ciment qui unifient mon moi déchiré. Vous voyez, je sais. C'est pour quand la guérison  ? Allez, je vais jeter un journal, le journal de la veille, celui dont j'ai lu tous les articles. Une petite victoire, cela fait longtemps que je ne crois plus au grand soir.

MH membre du CRTH


L'internat et le bandeau noir
J'avais 6 ans lorsque mes parents avaient décidé pour mon bien de me mettre dans une école spécialisée. Il fallait que j'apprenne le braille avec mes semblables puisque dans l'école ordinaire où ma mère était institutrice il n'y avait pas de place pour des enfants comme moi. C'est dans cet internat que j'ai découvert ma différence et ce monde méconnu, abandonnée, seule. J'attendais le week-end avec impatience pour que mes parents viennent me détacher de l'enfer et me prenne dans leurs bras. C'était un endroit assez spacieux, une cuisine collective, une grande cour et un jardin gigantesque. J'y jouais et m'y cachais. C'était mon unique refuge. Pour ce qui est des chambres, elles étaient nombreuses, il n'y a rien à en dire  : tel un dortoir sans intimité car d'autres enfants envahissaient la pièce dépourvue de chaleur humaine et affective. Personne ne venait au chevet de mon lit m'embrasser, me conter une histoire, ni me faire un bisou et me dire «  je t'aime  ». Je dirais maintenant que j'étais là-bas à cette époque une SDF. 
Passons à présent à ma salle de cours, ma classe, mon véritable calvaire du matin au soir sauf durant la pause déjeuner où je pouvais respirer. Dans cette classe, je ne retrouvais plus le tableau et la craie  ; plutôt des feuilles épaisses, un poinçon, une tablette en métal pour tenir la feuille et une règle pour se repérer. Tout y était tactile. La vue en était exclue complètement. J'avais mal au ventre, des sensations de vomi et des maux de tête atroces qui m'accablaient chaque jour. Pour développer le toucher, ma chère maîtresse qui était voyante – je le précise – m'empêchait de voir en me couvrant les yeux avec une étoffe noire. Je me sentais perdue davantage. Je n'avais pas ma place, ni chez les voyants, ni chez les non voyants. 
Depuis le fantôme du passé me persécute et nage autour de moi sans cesse comme un air impalpable.

H membre du CRTH

Lien avec le CRTH : www.crth.org
D'autres articles sur la résidence en remontant ce blog...

18.4.15

Résidence au lycée Chennevière-Malézieux 4

Mes rencontres avec les élèves du lycée se multiplient. A l'intérieur de l'établissement, existe une Mission de Lutte contre le Décrochage Scolaire. Il s'agit de redonner le plaisir d'apprendre à des jeunes gens au parcours souvent chaotique. En compagnie Madame Cottaz et Monsieur Touati, leurs enseignants en français, nous sommes allés les faire écrire "sur le motif" à la Gare de Lyon ou au Jardin des Plantes. Ces lycéens à fleur de peau sont souvent d'une rare vivacité et il est passionnant de partager avec eux mon amour des histoires et ma recherche sur le cri.

Elèves interrogeant un couple de touristes, image volontairement "lointaine" pour raison de confidentialité

Tu es assise sur un banc au jardin des plantes, et tu entends des gens derrière toi qui se promènent ou au contraire qui courent.
Tu entends les oiseaux qui chantent.
Une dame et son mari passent et ont l’air éblouis par les couleurs.
En parlant des couleurs, tu les vois plus belles les unes que les autres.
Tu vois du coin de l’œil une femme souriante qui promène son bébé dans une poussette rouge vif.
Tu sens le vent frais dans ton dos, ce vent qui soulève le sable.
Tu peux voir ton professeur au loin qui s’approche de toi tout en regardant d’un œil admiratif ce décor si vivant.
Les joggeurs courent tous en survêtement de couleurs fluo ou très vives. 
Tu entends au loin une camarade de classe qui rit aux éclats et un corbeau qui batifole là et là tout en poussant des cris. 
Le joggeur aux cheveux roux passe une troisième fois derrière toi. Malgré les trois grands tours qu’il vient de faire, il n’a pas l’air plus fatigué que ça. 

Une élève de MLDS

La porte n’en était pas vraiment une. En fait, c’était deux portes, qui menaient au même endroit. Elles étaient grandes, et en les regardant on se demandait, pour ceux qui voyaient plus loin que le bout de leur nez, ce qu’il pouvait y avoir derrière. 
L’une était bleue. On y voyait le ciel ou les mers des Caraïbes, un rond noir se trouvait au centre, comme une poignée.
L’autre porte était couleur noisette, un cerceau de fraiches feuilles vertes autour.
Seules, elles étaient juste jolies, même presque banales, mais ensemble, elles étaient somptueuses, à part, d’un autre monde. 
Malgré leur beauté, on y voyait une mélancolie, une tristesse, quelque chose de sombre.
En regardant le reste de la structure, on apercevait sans peine, les blessures, les bleus, et les maux causés par la vie. 

En ouvrant ces portes, en me plongeant dans ces deux univers différents, un cri, un seul surgit. Mais pas de son. Un cri silencieux, mes cordes vocales n’existent plus, ma colère et ma tristesse remplissent tout mon être. Derrière ces portes je découvre un flash back, un souvenir d’une violence atroce. Et je me demande encore comment font les portes pour ne pas craquer  ?

Une autre élève de MLDS

Logo de la résidence par un élève de 3ème prépapro

Un coup d'oeil sur les articles précédents pour en savoir davantage?




Cri céleri

En avril 2014, je présentais sur ce blog des cris inattendus... En particulier, un cri découvert à l'intérieur d'un céleri "boule". Après tout ce temps passé dans le fond du réfrigérateur, le voilà quelque peu vieilli. Peut-être, à force de crier ainsi dans le froid en continue, révèle-t-il son vrai visage...
A dans un an ?


Cri céleri avril 2015

Cri céleri avril 2014